L’or
cristallisé en Belgique (Ardenne)
Depuis quelques années, de nombreuses découvertes d’or cristallisé en Ardenne m’ont donné l’idée d’y consacrer une attention particulière afin d’établir un recensement des formes et éventuellement d’établir des liens dans la genèse de ces petits trésors. De plus Simon Philippo, conservateur pour la section géologie et minéralogie du Musée National d’Histoire Naturelle du Luxembourg (MNHL) a réalisé très volontiers des clichés et des analyses au microscope électronique à balayage (MEB), et au microscope digital (MD) Fig. 1 Octaèdre parfait. Bordure sud du Massif de Stavelot (Coll. et photo VEB.)
Fig. 2 – Octaèdre et tétraèdre * aux huit sommets d'un cube Fig.
3 Le dodécaèdre à gauche et le rhombododécaèdre avec les faces en losange
(rhombe) à droite. Ces formes sont obtenues par troncature ou par « décroissement égal sur tous les sommets » ainsi formulé pour la première fois l’abbé Haüy, posant l’une des bases de la cristallographie. Nous verrons que beaucoup de ces formes théoriques se retrouvent dans la nature.
Fig.
6 Bordure sud du massif de Stavelot
(Coll. VEB et Photo S. Philippo MNHNL.) Fig.
7 Octaèdre parfait (ML06, cf tableau d’analyse), bordure sud du massif
de Stavelot Fig.8 Octaèdre tronqué
(ML07 cf tableau d’analyse), bordure sud du massif de Stavelot. Coll.
VEB et photo S. Philippo MNHNL Fig.
9 Dodécaèdre, Bordure sud-est du massif Fig 10. Ruban d’or, à bords recourbés, terminé par un cristal. Bordure nord du massif de Rocroi.
Fig. 11 Or cristallisé « en fleur », face opposée du sommet d’un octaèdre, sud de Neufchâteau. Fig.
12 Amas de Cristaux dodécaédriques, vue des deux côtés. sud de Neufchâteau. (Coll. VEB et photo S. Philippo MNHNL).
Fig
13. Or ramifié d'origine bactérienne ? Fig. 14 Même spécimen que figure 13 - Photo R.
Warin
(Coll. VEB et photo
S. Philippo MHNL). Simon Philippo (MNHNL) a également réalisé des analyses chimiques de certains des cristaux au microscope électronique à balayage (JEOL JCM-6000). Voici ci-après le dosage des éléments pour certains des cristaux photographiés. Le code pour chaque échantillon figure sous la légende des photos. Ces résultats, sont semi-quantitatifs car ils ont été effectués avec un EDS sans standard et ramenés à 100% mais ils nous apprennent que l’or cristallisé dans cette zone (les deux échantillons viennent du même endroit) est fort pur et la teneur en argent ne semble pas assez significative pour avoir une influence sur la cristallisation. Par ailleurs, on notera des traces d’arsenic qui peuvent donner une indication sur l’association probable de l’or avec un sulfure dans le filon (arsénopyrite). Ces résultats sont toutefois à prendre avec précaution car l’or alluvionnaire subit parfois un lessivage chimique. Il y a un effet de ‘rimming’ (Bendall, 2003) avec une concentration de l’or dans la zone périphérique du grain. Pour avoir un résultat probant, il faudrait scier ou polir le grain et analyser le centre. Un cas particulier : les sphères parfaites Fig. 15 Bille d’or dans une gangue d’origine
anthropique. Bordure nord du massif de Givonne. Coll. F. Champion et Photo S. Philippo Fig. 16 Gros plan du coté supérieur – Les micro-sphères d'or (en blanc) et les vacuoles
dues aux dégagements gazeux sont bien visibles."
Ces deux sphères n’ont pas la morphologie cristalline. Cependant, elles méritent une place dans cet article en tant que forme particulière de l’or alluvionnaire en Belgique. Bien qu’il semble qu’il existe des sphères à l’état naturel comme c’est le cas dans la rivière Biaru en Papouasie Nouvelle-Guinée (Dilabio et al. 1988) ou que, parfois, certains cristaux dodécaédriques érodés peuvent prendre une forme pseudo-sphérique, dans ce cas-ci, nous avons affaire à des billes d’or d’origine anthropique. Fig. 17 Sphère parfaite d'origine anthropique. Bordure nord du Massif de Givonne.
La découverte d’une sphère parfaite par Francis Champion en 2019 incluse dans un petit morceau de gangue a permis d’étayer solidement une hypothèse encore jamais évoquée pour la Belgique. En effet, la gangue de l’échantillon (cf fig.15) présente des vacuoles qui sont probablement dues à un dégagement gazeux et les analyses révèlent la présence d’aluminium, de magnésium et de potassium qui excluent le quartz naturel pour la matrice. On trouve également logées dans la gangue des sphères d’or encore plus petites d’environ 0.002mm (cf fig. 15). Tous ces indices font penser à un reliquat, tel du laitier, de fonte de minerai aurifère provenant d’un filon tout proche. Ces (micro-)sphères seraient donc le résidu de traitement de minerai aurifère à proximité du ruisseau où elles ont été découvertes. Ceci laisse espérer la confirmation prochaine de l’existence d’une toute nouvelle mine d’or antique en Belgique. SOURCES Di Labio R.N.W., J.W. Newsome, D.F. mcivor, P.L. Lowenstein, 1988. The Spherical Form of Gold: Man-made or Secondary?. Economic Geology Vol. 83, pp. 153-162. Bendall C., 2003. The application of trace element and isotopic analyses to the study of Celtic gold coins and their metal sources, Dissertation zur Erlangung der Doktorgrades des Naturwissenschaften, Johan-Wolgang Göethe Universität, Frankfurt. Remerciements chaleureux à Simon Philippo de la section géologie et minéralogie du Musée National d’Histoire Naturelle du Luxembourg (MNHL). |