Le
« mineral quiz » de ce mois concerne cette fois un minéral
d’exception. Quand il est idiomorphe, c’est-à-dire, quand il exhibe
un aspect conforme à sa morphologie théorique, il se présente sous la
forme de cristaux tabulaires, en prismes hexagonaux vraiment très
courts, de largeur comprise entre 1 et 5 cm. Les cristaux plus larges
sont très rares sur ce gisement unique et ils oscillent souvent entre 1
et 3 cm. Sauf exception comme l’échantillon photographié, l’épaisseur
varie entre 5 et 15 mm. Ils prennent aussi la forme de boutons, dont
nous expliquerons la formation dans la réponse à ce Mineral Quiz. Quant
à sa teinte, elle subjugue le regard, oscillant entre l’orange et le
mauve, donnant une résultante proche de la couleur de la framboise…
Une grande proportion de ces cristaux hexagonaux présentent des faces
du prisme moins colorées. Mais comme celles-ci sont très peu développées,
cela ne nuit guère à l’esthétisme du spécimen. Il
existe sur le gisement, hélas unique, des cristaux intacts (sans casse)
mais dont la croissance n’a pu se faire idéalement. Ce sont des
cristaux aux formes souvent mal définies, hormis le pinacoïde (00.1),
mais dont la couleur est excellente. Leur destination probable est la
taille pour la joaillerie. Un
fruit exotique comme celui-là ne pouvait provenir que d’un pays éloigné,
porteur de bien de rêves pour les amoureux de la Nature ! |
REPONSE NOM :
BERYL, variété « béryl framboise » ou « raspberry
beryl ». Formule :
Cs[Be2Li]Al2Si6O18,
de la famille des cyclosilicates. Comme
expliqué dans notre article publié dans le Règne Minéral, n°52, pp.
36-41 (juillet-août 2003), ce béryl framboise est le terme limite de
la solution solide de ce type de béryls contenant beaucoup de césium.
Ce minéral constitue vraisemblablement une nouvelle espèce mais les
scientifiques n’ont pas encore tiré leurs conclusions ni donné de
nom. A
Ambatovita, près de Mandrosonoro (Madagascar), une nouvelle occurrence
de béryls rouges, appelés béryls – framboise, a été découverte
fin 2002 – début 2003. Ces béryls d’Ambatovita révèle une teneur
en césium anormalement importante, directement corrélée à un poids
spécifique de 3,1. La
couleur de ces cristaux est rouge à rose intense, oscillant entre
l’orange saturé et un rouge magenta, résultat d’un pléochroïsme
très net (rayon-O orange et rayon-E mauve-violet). Ce fait est anormal
pour une variété de béryl. Sur
la première photo, le plan selon lequel le dichroïsme se marque est
parallèle à celui de l’écran. Vu de côté, ce cristal a une teinte
encore plus soutenue. Taillés en cabochons, les béryls framboise peuvent montrer une chatoyance. Nous
avons défini la morphologie typique de ces béryls-Cs qui résulte de
la combinaison de deux habitus successifs conférant à ces échantillons
la forme d’un bouton. Type I : combinaison du prisme {10.0} de
premier ordre, du pinacoïde {00.1} et d’une troncature d’arête réalisée
par la bipyramide hexagonale {10.2} de premier ordre. Type II : la
bipyramide hexagonale {11.2} et le pinacoïde {00.1} basal. Ce dernier
habitus apparaît en début de cristallisation. Dans un processus auto-épitaxique,
il apparaît des cristaux très peu allongés qui se superposent en s’élargissant,
donnant à l’ensemble une forme de trémie. Sur ce socle (type II) se
construit l’individu supérieur (type I) plus large, dont le profil
hexagonal est décalé de 60° par rapport à l’autre.
Le
plus souvent, une exo-solution d’un mélange eutectique de teinte
chamois (supposé constitué de microcristaux de béryl orientés selon
l’axe c et de microcristaux d’albite non orientés) se produit en
fin de cristallisation sur les faces du prisme de l’individu supérieur.
On retrouve ainsi dans ces béryls-Cs le premier stade de croissance des
émeraudes « trapiches » de Colombie. En
outre, ces béryls-framboise sont nettement différenciés de la vorobejvite
de Maharitra (Madagascar) décrite par A. Lacroix. Par
sa richesse exceptionnelle en césium, cette variété de béryl
constitue le nouveau terme limite de ces solutions solides. Sa très
grande rareté constitue aussi un attrait supplémentaire pour le
collectionneur. Le gemmologue trouvera en ce matériau une gemme
nouvelle tout à fait inédite, dont il n’existe (pas encore !)
d’équivalents de synthèse. Le
cristal illustré du Quiz est présenté verticalement. De cette manière
il attire tous les regards, même associé à des rubellites ou à des
rhodochrosites. Cette pièce, hélas unique (mais n’est-ce pas le
propre de toutes les pierres d’exception ?), a son axe c dirigé
vers l’observateur. Une longue arête séparant le prisme du pinacoïde
est visible (6 cm). A
propos de cette exceptionnelle couleur, jamais on n’avait trouvé de béryls
aussi rouges, sauf bien sûr ceux de Wah Wah Mountains (Utah) mais qui
sont plutôt de faible taille et dont l’origine de la teinte est différente.
Signalons que le grand Alfred LACROIX a signalé la présence de béryls
roses – saumon à Madagascar, pour lesquels il avait proposé le nom
de vorobejvite (béryl rose de l’Oural). Mais la localité citée
(Maharitra) par ce prestigieux auteur français est située à plus de
130 km d’Ambatovita. Les cristaux de Lacroix n’étaient pas aussi
colorés et ressemblaient davantage à des morganites avec de multiples
facettes. LOCALITE :
AMBATOVITA, région de Mandrosonoro au S-O d’Antsirabe (Madagascar).
Le trou actuel qui a produit les béryls framboises était unique et très
localisé. D'autres « mines » ont été creusées à 100 ou
200 mètres de là, et n'ont produit que des tourmalines et des spodumènes. Les
minéraux associés au béryl-Cs sont l’albite, la tourmaline et la
muscovite. Roger WARIN. |