INDICES 

Le jeu se présente ce mois-ci sous une forme plus classique que l’énigme facétieuse présentée le mois dernier. Rappelons que le but de ce jeu est avant tout de présenter de beaux caillou ou des échantillons inhabituels, tout en titillant la curiosité du surfeur… 

Cet échantillon présente une association classique d’espèces et constitue ainsi un cas d’école. Il mesure (avec la gangue) 175 x 90 mm. On n’a pas tous les jours l’occasion d’admirer un tel exemplaire, car le minéral principal est très souvent proposé en solitaire, isolé de toute gangue.

Les formes, les teintes un peu pastel soulignent non seulement la nature des minéraux présents, mais aussi la localité d’origine qui est actuellement devenue un gisement classique. Si le pays d’origine peut être déterminé sans trop de difficultés, il existe souvent des confusions avec son grand voisin. Des précisions très pointues restent par contre plus difficiles à définir. Quant à l’orthographe des noms, il faut souvent se contenter d’une traduction phonétique d’une langue exotique, évolutive selon les auteurs.

 

REPONSES 

NOM : TOURMALINE, QUARTZ. 

LOCALITE : Paprok, Nuristan, Afghanistan. 

Tourmaline est en fait le nom d’un groupe de minéraux classés parmi les cyclosilicates, contenant tous des cycles Si6O18 et le groupe anionique BO3. Cet anion est triangulaire plan. La structure que prennent les tourmalines donnent une certaine latitude pour contrebalancer ces charges négatives par des cations métalliques de diverses natures. Ils sont tellement variés que l’on compte 11 espèces minérales dans ce groupe des tourmalines. On devine aisément que seule une analyse permet une classification rigoureuse des tourmalines, et il vaut mieux utiliser ce terme générique quand on ne possède pas des précisions suffisantes plutôt que de choisir de manière aléatoire, l’un de ces noms. La couleur peut donner des indications, mais cela n’est pas suffisant. Il existe aussi de nombreuses dénominations vernaculaires comme indigolite (bleue), rubellite (rouge), achroïte (incolore), verdelite (verte)… basées sur la teinte du minéral. Ce ne sont pas des noms d’espèces minérales. Les dénominations jadis utilisées en bijouterie doivent être rejetées, telles que l’émeraude brésilienne, le rubis brésilien, le saphir brésilien… Elles sont inacceptables.  

L’espèce minérale photographiée ci-dessus est l’elbaïte, de formule

Na(Li,Al)3Al6(BO3)3Si6O18(OH)4.

Elle appartient au système rhomboédrique, mais sa symétrie n’est pas totale. Ainsi, quand les cristaux sont biterminés, la partie supérieure diffère nettement de l’aspect de l’extrémité inférieure. Il n’y a donc pas de centre de symétrie.

Les cristaux sont d’ordinaire prismatiques, souvent allongés avec un prisme trigonal proéminent. Des stries parallèles à l’élongation soulignent la compétition qui se fait entre faces du prisme trigonal et faces d’un prisme hexagonal secondaire. Il en résulte fréquemment une courbure des côtés, donnant à la section du cristal, l’aspect d’un triangle sphérique. 

Il n’est pas rare de voir sur le marché, des sections polies de cristaux cassés de Madagascar en particulier, mettant en évidence les différences de composition, donc de couleurs, d’une même tourmaline. Quand la section coupe la tête d’un cristal, ces « fantômes » peuvent donner naissance à des croix trigonales, ressemblant à l’insigne des Mercedes. Les elbaïtes bicolorées dont le cœur du cristal est rose et la partie périphérique verte, sont appelées « melon d’eau ».

Toutes les tourmalines sont ainsi sujettes à des variations de composition plus ou moins fortes, donnant soit des solutions solides (compatibilité de coexistence des cations étrangers), soit des espèces minérales différentes. Vu leur propension à capter des impuretés dans leur réseau cristallin, les scientifiques, dans leur jargon croustillant, les définissent souvent comme les « poubelles des pegmatites » ! 

On trouve les tourmalines dans des géodes des pegmatites granitiques, souvent associées au quartz, à la lépidolite et à l’albite.

La localité type est l’Ile d’Elbe, Italie (Grotto d’Oggi, San Piero di Campo). Malgré leur très faible taille, elles sont très recherchées par les collectionneurs car ce sont de grands classiques. On les trouve aujourd’hui surtout dans les vieilles collections.

Bien que les échantillons très esthétiques soient plutôt rares, les localités sont nombreuses. Le Brésil a fourni des elbaïtes rouges extraordinaires, comme la fameuse poche d’Itatiaia, Conselheiro Pena, Minas Gearais. Madagascar a également donné des phénomènes d’une rare beauté (Mt Bity), ainsi que les USA, San Diego, Californie. L’Oural (Russie) possède aussi des gisements classiques, le Mozambique et la Namibie également. 

La localité d’origine de l’échantillon photographié ci-dessus est Paprock, Nuristan Valley, Afghanistan. Cette vallée est proche de la frontière avec le Pakistan. La tourmaline y est associée à du quartz enfumé. 

L’un des plus beaux minéraux pour le collectionneur… 

Roger Warin.