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Bruno VAN EERDENBRUGH  brunoau9999@yahoo.com  

Voilà 11 ans maintenant que j’ai la chance de parcourir les ruisseaux ardennais à la recherche de paillettes d’or. C’est à l’Interminéral ’87 que j’ai rencontré Jean Detaille qui accepta de m’initier à l’orpaillage. Toutes ces années, nous sommes allés chercher de l’or par tous les temps dans l’espoir de trouver un petit filon qui nous livrerait de belles pépites. 

Il faut savoir qu’en Belgique, il y a déjà eu deux ruées vers l’or. La première s’est étalée sur plusieurs siècles il y a 2500 ans, à l’époque des Celtes et la deuxième a commencé en 1875 et s’est essoufflée vers 1920. Aujourd’hui, on peut toujours découvrir de très belles paillettes dans les ruisseaux mais les quantités sont devenues très faibles car on ne récupère que les miettes que nos ancêtres nous ont laissées. En général, il faut un binoculaire pour les étudier. C’est donc un travail très dur pour une maigre récolte. Toutefois, les paillettes belges sont de très bonne qualité et présentent une morphologie granuleuse qui leur donne une forme de mini pépite absolument magnifique. 

Durant ces onze années, nous avons bien fait quelques jolies découvertes mais jamais dans la proportion de l’aventure que je vais vous raconter. 

Tout a commencé il y a 6 ou 7 ans. Un historien liégeois, Lambert Grailet, me demanda d’explorer la région du plateau des Tailles près de la Baraque Fraiture, en Haute Ardenne. Il y a vu des résidus d’orpaillage et désirait une attestation de la présence d’or dans ces terrains afin d’illustrer un ouvrage qu’il écrivait sur le sujet. Il me parla également d’un trou qui selon la légende abriterait une galerie et qui s’appelle le Trô des Massotais. Comme c’est une légende et que, à l’époque, je m’intéressais moins à l’Histoire qu’aux paillettes elles-mêmes, je négligeais cette piste. 

Toutefois, fin 99, l’intérêt pour le trou renaît quand Lambert aidé d’un journaliste fait une tentative de pompage du trou en été et découvre l’entrée d’une galerie. Il n’en faut pas plus pour me décider et je pars en prospection dans la fagne enneigée pour localiser le trou. Mes deux premières tentatives se soldent par un échec. Jean Detaille, fait la même chose de son côté sans plus de succès. Finalement, début mars nous décidons de tenter de localiser le trou ensemble. Après une heure de recherche nous y parvenons. A tout hasard, nous avons emporté une batée pour faire un prélèvement. Le trou est inondé et il est facile de laver les terres. A la première batée, je découvre une minuscule paillette d’or. Elle fait à peine 100 microns mais elle représente une découverte extraordinaire car pour la première fois dans l’histoire de Belgique il est possible de prouver l’existence d’une véritable mine d’or souterraine. Les batées suivantes nous livrent même de plus en plus de paillettes mais leur taille reste très petite. Jean et moi sommes au comble du bonheur. Bien que la découverte soit modeste même selon les critères belges, elle représente cependant l’aboutissement d’une longue quête. 

Le samedi suivant nous retournons sur place dans l’espoir de trouver plus de paillettes et cette fois la récolte est un peu meilleure. Nous découvrons de nombreuses paillettes dont certaines présentent des morceaux de la roche encaissante. Le soir même j’informe Lambert de notre découverte. Il faut publier rapidement une attestation écrite pour en avoir le crédit. Lambert prend donc contact avec un journaliste mais trop enthousiaste, il déclenche une véritable folie médiatique. Tous les journaux parlés et écrits du pays divulguent la nouvelle. La baronne propriétaire du terrain, offusquée par cette soif de l’or, interdit strictement tout accès à sa propriété et engage des gardes supplémentaires pour chasser les intrus. L’Université de Liège (ULG) et même le Ministère des Affaires Économiques de la Région Wallonne s’intéressent à l’affaire. Durant quelques semaines c’est la fièvre et puis tout retombe aussi vite qu’un soufflé. Ballottés par cette tempête médiatique, nous n’étions pas vraiment au comble de la joie. Impossible de retourner sur place. Pendant quelques mois, en surface, nous avons donc laissé dormir l’histoire pour que tout se calme mais en secret, j’étais entré en contact avec l’ULG dans le but de réaliser une fouille approfondie du site. 

Vers la mi-octobre, l’affaire est presque oubliée mais l’université obtient l’autorisation de réaliser une vidange du trou. Je jubile. Jean et moi savons que le trou est prometteur en paillettes et ce sera l’occasion de récolter un bel échantillon. Le résultat sera au-dessus de mes rêves les plus fous. 

Après deux jours de pompage avec de gros moyens et une équipe de 10 personnes nous avons mis à jour une véritable galerie antique garnie de boisage en hêtre dont l’aspect était magnifiquement conservé. Ce bois a été envoyé à l’analyse Carbone-14 pour déterminer l’ancienneté de cette mine d’or. Le Trô des Massotais a été exploité il y a plusieurs siècles et n’a vraisemblablement plus jamais été visité par l’homme depuis son abandon. La voûte était partiellement effondrée et derrière les éboulis j’ai trouvé une pelle en bois massif taillée d’une seule pièce dans un tronc de hêtre. La paroi présentait des traces très claires de travail au pic ou à la pointerolle. En surface, Jean et moi profitions du moindre moment libre pour laver un peu de terre afin de récolter quelques paillettes. 

Aujourd’hui, nous avons constitué un groupe de recherche pour étudier le site et plus largement la question de l’or en Ardenne. Les boisages n’ont pas encore été datés et il faut s’attendre à ce que les choses évoluent très lentement. Mais il suffit à notre bonheur d’avoir participé à cette formidable aventure. 

Pour les curieux, il convient de rappeler que l’accès au Trou des Massotais est doublement interdit. Tout d’abord parce qu’il se trouve sur une propriété privée et que le garde-chasse, intraitable, a reçu pour instruction d’expulser tous les intrus. Ensuite parce que le site représente une découverte archéologique, minéralogique et géologique de première importance et qu’à ce titre, il appartient au patrimoine national dont tout pillage est fortement sanctionné. A bon entendeur…