MASUYITE

Pb[(UO2)3O3(OH2)] . 3H2O

Oxy-hydroxyde hydraté d’uranyle et de plomb

 

NOMENCLATURE 

La masuyite a été décrite pour la première fois par le géologue belge VAES (1947). Il l’a dédiée au géologue belge Gustave MASUY (1905 – 1945), qui dès le début de l’occupation (2e guerre mondiale), fit partie de la Résistance et fut arrêté par la Gestapo, le 1er décembre 1942. Il fut libéré par les Alliés au camp de Dora, mais le séjour dans plusieurs prisons et camps de concentration avait épuisé sa santé. Il mourut le 9 juin 1945 des suites de sa douloureuse captivité. Avant la guerre, Masuy a étudié des minerais et minéraux du Congo belge. 


LOCALITE-TYPE 

C’est dans le très célèbre et remarquable gisement de Shinkolobwe (Katanga) qu’a été trouvé pour la première fois ce minéral rare. La masuyite s’y trouve associée à d’autres minéralisations secondaires d’altération de l’uraninite, en particulier les oxy-hydroxydes d’uranyles et de plomb, baryum et calcium. Elle tapisse de petites géodes d’uraninite.

Elle a aussi été trouvée au Katanga à Kamoto.

CRISTALLOGRAPHIE

 

Système monoclinique 2/m – Groupe spatial Pn.

A = 12.241                  b = 7.008   c = 6.983 Å                       b = 90.402°                       Z = 2.

Macles sur {110} et {-310}. La deuxième est la plus commune mais ne peut être décelée qu’entre nicols croisés. Le plan de composition de cette macle (souvent une surface courbe) est sensiblement perpendiculaire à la face (110). Il arrive fréquemment que 2 ou 3 macles se répètent associant plusieurs individus.

Clivage parfait selon {001} ; net sur {010}.

Densité très élevée : 5.08.

Pléochroïsme net : X jaune, Y = Z = orange-rouge.

La masuyite a une couleur qui oscille du rouge chaud à l’orange. Elle prend souvent la couleur typique du minium.

La morphologie a été décrite par VAES 1, mais dans un référentiel différent de celui adopté par Dana. La masuyite forme souvent des placages polycristallins, parfois sur un lit de cristaux de wölsendorfite. L’uranophane est omniprésent. Les cristaux idiomorphes isolés sont rares et restent toujours très petits. Ils sont courts, aplatis sans être des feuillets (parfois trapus) et forment une terminaison anguleuse dont le profil est proche de 120°. Les troncatures du cristal aplati sont uniques, contrairement au biseau habituel de la fourmariérite, dont le profil est d’ailleurs plus aigu (81° env.).

En résumé, les prismes pseudo-hexagonaux sont courts et prennent l’aspect d’un cristal aplati de section hexagonale aux dimensions sensiblement équivalentes, qui dépassent rarement 0.2 mm. 


COMPOSITION CHIMIQUE 

Il aura fallu attendre les analyses les plus récentes 2, utilisant des techniques plus fines, pour voir résolue la structure de la masuyite. Le problème était à ce point crucial que l’on croyait encore récemment à l’existence de plusieurs phases. En effet, dans un même cristal, la composition varie : le cœur du cristal est relativement appauvri en plomb par rapport à son pourtour. L’apparence zonée des cristaux suggère que la croissance initiale est corrélée à des eaux-mères dont la teneur en plomb correspond à la composition du cœur (et à la formule unitaire). Des interactions subséquentes avec les fluides nourriciers (alors plus riches en Pb) causent l’altération des parties externes du cristal en y augmentant la concentration en plomb. 

Au cœur du cristal, le rapport Pb : U vaut environ 1 : 3 (valeur analogue à la protasite). Cette zone correspond à la masuyite cannelée définie par Deliens et Piret 3. Les parties externes du cristal de masuyite sont enrichies en plomb et le rapport atteint même 1 : 2 (valeur proche de celle trouvée dans la wölsendorfite). Les auteurs 2 n’ont cependant pas observé une influence de la zonation chimique sur la diffraction ; le phénomène peut être lié à l’échantillonnage.  

Il faut aussi remarquer que dans ces vieux (d’un point de vue géologique) dépôts d’uranium, le plomb est surtout d’origine radiogénique (provenant donc de la désintégration naturelle de l’uranium). 

Soulignons aussi qu’un minéral du même gisement, encore plus rare, possède une composition chimique présentant des similitudes. Il s’agit de la sayrite. 


STRUCTURE 

Comme pour les autres oxydes hydratés d’uranyle et de plomb, la structure est composée de feuillets de polyèdres uranyles dont les couches intermédiaires sont occupées par les cations Pb2+ et les groupes H2O. Les groupes uranyles presque linéaires (liaisons U-O fortes) sont des cations (UO2)2+. L’U est aussi coordiné à des O et des OH formant des polyèdres dont la forme est la bipyramide pentagonale. 

Deux types de sites Pb(1) et Pb(2) se trouvant dans la zone séparant deux de ces feuillets uranyles sont occupés par des cations Pb2+. Le rôle de cette partie est d’unir entre elles deux feuillets uranyles en équilibrant les charges. On dénomme cette structure en feuillets sous le terme type α-U3O8 ou type de la protasite. Les sites Pb(1) de la masuyite sont occupés par le Baryum dans la protasite. 

Le problème de la variabilité de la teneur en plomb trouve son explication dans la structure de la masuyite. Les sites du cristal étudié (Pb2) ne sont occupés qu’à 12 % par le plomb. Comme les feuillets uranyles ont comme formule unitaire [(UO2)3O3(OH)2]2- et qu’il n’y a pas d’autres ions que le plomb dans la couche intermédiaire, l’électroneutralité requière la présence d’un cation de plomb Pb2+ par formule unitaire. Si la teneur en plomb s’accroît, il faut nécessairement la contrebalancer par une augmentation du nombre d’anions (OH)-. Des équilibres O2- « (OH)- peuvent aussi équilibrer les charges. Il semble également que le taux d’hydratation relativement faible de la masuyite et de la protasite soit le minimum possible pour la stabilité de ce type de structures. 

CONCLUSION 

La structure de la masuyite partage plusieurs points communs avec celle de la protasite, mais elle possède un site cationique supplémentaire entre les feuillets uranyles dont l’occupation est variable. Ceci fut la source de toutes les difficultés rencontrées dans les études qui se suivirent depuis celle de Vaes en 1947 et Brasseur en 1950 (ce dernier –mon ancien professeur - ayant trouvé la bon rapport 1/3), et bien d’autres dont Deliens et Piret (1981), Finch et Ewing en 1991 et 1992. La rareté de la masuyite et sa cristallisation très peu développée n’ont pas simplifié la tâche des scientifiques. L’échantillonnage par le chercheur reste un point sensible, car les spécimens sont rares. 

Nul doute que la variabilité de composition chimique (cationique) de ce type de structure constitue un cas d’école.

Roger Warin


1 J.F. Vaes, Six nouveaux minéraux d’urane provenant de Shinkolobwe (Katanga) – Ann. Soc. Géol. Belgique, LXX pp. B 212-B 226 (1947).

2 Peter C. Burns and John M. Hanchar - The structure of masuyite, Pb[(UO2)3O3(OH2)] . (H2O)3 , and its relationship to protasite, Can. Mineral. 37, 1483-1491 (1999).

3 M. Deliens et P. Piret : Les masuyites de Shinkolobwe (Shaba, Zaïre) constituent un groupe formé de deux variétés distinctes par leur composition chimique et leurs propriétés radiocristallographiques. Bull. Inst. R. Sci. Natur. Belgique Sci. Terre, 66, 187-192 (1996).