INDICES  

Voici une énigme qui déconcertera plus d’un amateur. Après avoir lu la réponse – type, s’il échoue dans la reconnaissance de ce minéral, il s’intéressera davantage à la cristallographie, qui est plus facile que ne le dit la rumeur… 

Cet échantillon se présente sous la forme d’un prisme à l’allure pseudo-tétragonale. Autrement dit, sa base est presque carrée et les angles sont proches de 90°. De petites troncatures altèrent trois sommets, l’un devant et deux derrière (sur la photo). Mais le fait qu’il n’y en ait que trois, n’est pas une « erreur » de croissance.

Nous avons dessiné (Shape) le cristal réel pour mieux mettre en évidence les faces, car la transparence du cristal permet la vision des faces arrières. 

La localité d’origine sera peut-être plus facile à trouver, car l’échantillon était une nouveauté à notre dernier INTERMINERAL.

 

REPONSE 

NOM : QUARTZ, variété améthyste (17 x 7.5 mm). 

LOCALITE : Lac Alaotra, Madagascar. 

Mais oui, ce prisme pseudo-quadratique est un cristal d’améthyste. Même les amateurs de quartz restent sidérés devant ce cristal. Le moins qu’on puisse dire, c’est que sa croissance est surprenante. Comment cela a t’il pu se faire ?  

Quand on examine l’échantillon au microscope, on ne voit pas de stries horizontales, si typiques de la croissance oscillatoire des faces du primes {10.0}. Vu la fréquence de ce caractère, on peut supposer que le prisme ne modifie pas l’aspect de ce cristal, sujet du quiz. A quelles formes cristallographiques du quartz appartiennent donc ces faces du pseudo-prisme ? 

Le quartz est bien connu pour ses variations d’aspects, subissant bien des déformations par rapport au schéma classique du cristal de roche. Pour des raisons cinétiques, en fonction de la nature des flux des solutions hydrothermales, de leur concentration et de la présence d’impuretés compétitives lors du dépôt de matière, certaines formes (au sens cristallographique) et aussi, parmi celles-ci, certaines faces sont privilégiées aux dépens des autres lors du dépôt de matière. C’est ainsi que dans ce cas-ci, le prisme {10.0} disparaît totalement sur le cristal présenté. Il ne reste que la pseudo-dipyramide hexagonale, la résultante de la combinaison du rhomboèdre positif {10.1} et du rhomboèdre négatif {01.1}. Quand ces deux formes ont la même importance, le cristal normalement développé apparaît comme une dipyramide hexagonale

Fig.2 – Cristal identique à celui de la fig.1, disposé de manière conventionnelle.
Les différentes couleurs facilitent l’identification des faces : jaune et vert : {10.1} rouge et bleu : {01.1}.

Il arrive fréquemment que ces deux rhomboèdres ne soient pas aussi appuyés l’un que l’autre, ce qui permet de reconnaître lequel est le rhomboèdre positif, grâce à ses faces plus grandes. C’est ce qui se passe de façon très marquée dans le cristal photographié

Fig.3 – Si le rhomboèdre négatif {01.1} se développe davantage, on retrouve un aspect d’une tête d’un cristal de quartz. Mais l’élongation anormale est toujours présente. Il en résulte que les 2 terminaisons ne sont pas alignées et opposées l’une à l’autre. Les pointillés délimitent évidemment les faces à l’arrière

La difficulté présentée par notre exemple provient du fait que les deux moitiés de la dipyramide sont décalées, le sommet supérieur n’étant pas aligné sur le sommet inférieur. Dans son orientation conventionnelle, le cristal est incliné par rapport à la photo. Ici, l’amateur doit invoquer son imagination pour « voir » dans l’espace, les deux têtes trigonales du quartz.

Fig. 4 – Voici l’allure qu’affecterait ce cristal si sa croissance avait été « normale ». 
Nous avons ajouté la forme prismatique {10.0} (en blanc) qui modifie parfois légèrement les échantillons.

Notons également que les zones de variations de teinte améthyste se répartissent perpendiculairement à l’axe d’élongation anormale du cristal. Leur géométrie est donc différente de celle d’un quartz habituel où l’axe c est la référence.

A l’examen microscopique, la base de ce cristal photographié révèle une inclusion, qui est tout simplement un minuscule cristal de quartz incolore, preuve qu’il s’agit du germe qui a initié ce prisme pseudo-quadratique...

Quartz améthyste, croissance déformée, correspondant à la fig. 3

En conclusion, on admirera les subtilités de croissance qui peuvent apparaître lors de la cristallisation. Qui penserait que le quartz, minéral si commun, réserverait de telles surprises ?

Expliquer le phénomène est un plaisir, qui se transforme en joie lorsque l’amateur débutant « comprend » … 

Roger Warin